1er Juillet 1915. Ma lettre va t’apporter un petit espoir. Vu la fatigue et l’état sanitaire du régiment, le Colonel a enfin obtenu que l’on nous mette au repos, compagnie par compagnie. Nous irons donc huit jours au repos complet dans des péniches aménagées spécialement sur la Meuse. Notre tour est fixé du 14 au 22 juillet. Voici mon intention. Je vais voir le Commandant de suite, puis le Colonel pour leur demander s’il ne me serait pas possible d’aller chez moi pendant ce repos pour y surveiller la marche de ma maison. Ceci n’est qu’un espoir, j’espère que le Colonel donnera un avis favorable, mais en sera-t-il de même à la brigade et à la division. Ce sera certainement très dur et je ne m’illusionne pas à ce sujet. Ne nous réjouissons pas trop car nous pourrions avoir une désillusion et j’hésitais à te faire part de ma combinaison. Néanmoins, espérons... cette joie nous serait bien un peu due, depuis si longtemps que nous souffrons et que nous peinons. Prions donc, ma Bonne Grande, pour que le Bon Dieu nous aide. - Je t’adresse ci-joint quelques photos prises par un ami. Ma tranchée avant et après l’éclatement d’un minenwerfer. Pour moi, j’avais tant de choses à voir et à faire que je n’ai pas songé à la prendre et puis, je n’en avais surtout pas le cœur. ...J’ai reçu 16 paquets de linge que ma tante A... m’a envoyés. J’ai fait bien des heureux et je vais lui écrire pour la remercier. - Rien de nouveau, je suis en bonne santé et je me remets petit à petit des émotions de l’ancien séjour. Mais il faut y retourner demain et j’appréhende un peu de revoir tous ces emplacements. - Allons, je te quitte avec un petit espoir d’aller vous embrasser tous. Comme nous serions heureux ! Mais, mais, aurons-nous cette joie ? …Surtout ne t’impatiente pas, car il va falloir attendre encore de longs jours avant d’être fixés.
2 Juillet 1915. Me voici de nouveau à mon poste. J’y suis revenu avec une certaine appréhension, à cause du triste souvenir que la dernière période m’a laissé. Mais il faut tout oublier et laisser toute sentimentalité de côté. Ce matin, j’ai été avec mes hommes déposer une couronne de fleurs et une gerbe faite par nous, sur la tombe de mon petit sergent. Hier, j’ai envoyé à ses pauvres parents son couteau et son assiette en aluminium. (Tout ce qui restait de ce qu’il avait sur lui.) J’avais fait graver sur l’assiette par un de mes hommes « C... D..., sergent 362ème d’Infanterie, 19ème Compagnie, mort au Champ d’Honneur, le 26 juin 1915 », ainsi qu’une branche d’églantines. Pauvres gens, s’ils savaient dans quel état il était leur pauvre enfant ! - Je n’ai pas encore vu le Commandant au sujet de ce que je t’ai dit hier, mais j’ai bien peur que cela soit très difficile. Enfin, espérons.
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